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Revision as of 13:25, 26 October 2020
Un vieux Tryker, affublé de la tenue caractéristique des Conteurs ambulants, s'assit au milieu du village. La nouvelle se répandit aussi vite que le souffle du vent, et bientÎt il fut entouré d'un groupe d'homins, d'homines et d'enfants.
Tandis que le soleil s'effaçait derriÚre l'horizon, sa voix profonde, à peine éraillée par le temps, s'éleva :
« Mes enfants,
Aujourd'hui, ce n'est pas un conte ancien que je vais vous raconter, mais plutÎt ce qui m'est arrivée pas plus tard qu'hier...
Aussi incroyable que ça puisse paraßtre, j'ai été capturé par un groupe de Maraudeurs des Nouvelles Terres et j'ai survécu. Ma vie en l'échange de mon témoignage, tel fut notre marché. Mon métier de conteur ambulant m'a sauvé la vie, et de conteur, me voici devenu, l'espace d'un soir, narrateur d'une aventure bien réelle. Voici, de mémoire, les propos de notre discussion. »
Le conteur se mit alors Ă jouer tour Ă tour les deux rĂŽles ; tantĂŽt le sien, assis et Ă demi tremblant de peur, tantĂŽt celui de l'imposant maraudeur Ă la forte voix, debout, fier et charismatique.
« Les homins vous appellent les Maraudeurs, comme ceux des Anciennes Terres. Vous sentez-vous des points communs avec eux, vous qui n'avez pas connu le Grand Essaim ?
Nous avons plus de points communs que vous ne le pensez... Mais tout d'abord, comprenez-vous vraiment les Maraudeurs des Anciennes Terres ?
Je les redoute plus que je les comprends...
C'est pourtant simple. Lors du Grand Essaim, les Maraudeurs des Anciennes Terres ont Ă©tĂ© lĂąchement abandonnĂ©s de tous, non seulement par les dirigeants des peuples mais aussi par les Kamis et la Karavan. Et mĂȘme par Elias, s'il existe vraiment. Ils sont restĂ©s seuls dans les Anciennes Terres, Ă tenter de survivre dans un monde envahi de kitins, tandis que le reste de l'hominitĂ© fuyait courageusement par les Primes Racines. Plusieurs gĂ©nĂ©rations d'oubliĂ©s se sont ainsi succĂ©dĂ©es sur les Anciennes Terres, dans un monde oĂč la seule loi Ă©tait celle du plus fort. Ils ont eu tout le loisir de penser Ă leurs douces retrouvailles avec les descendants de ceux qui, un jour maudit, les avaient condamnĂ©s Ă leur triste sort... Les Maraudeurs des Anciennes Terres vouent une haine Ă©ternelle aux Nations et aux Puissances, elles qui les ont condamnĂ©s Ă un exil infernal. Mais celui-ci prend fin, car ils ont trouvĂ© le chemin des Nouvelles Terres. Seuls. L'heure de leur vengeance a sonnĂ©...
Je vois... Mais quel rapport avec vous, qui n'avez connu ni le Grand Essaim ni les Anciennes Terres ? Les Nations vous ont élevés et nourris, les Puissances vous ont ouvert leurs bras, comme à tous les homins d'ici !
Ouvrez donc les yeux ! Tel l'enfant vous buvez stupidement les paroles de vos parents ! Les Nations sont loin d'ĂȘtre idylliques, elles imposent par la force leurs lois, broyant ou rejetant ceux qui refusent de s'y plier ! La plupart des Maraudeurs des Nouvelles Terres ont cru un jour en elles, mais la rĂ©alitĂ© les a rattrapĂ©s. Seuls les faibles d'esprits sont jugĂ©s dignes de faire partie d'un tel systĂšme ! Les autres, ceux qui rĂ©flĂ©chissent, qui contestent, qui pointent du doigt leurs faiblesses et leurs incohĂ©rences, sont rejetĂ©es. Restez donc prisonnier si cela vous chante, mais ne nous imposez pas d'en faire autant ! Nous sommes libĂ©rĂ©s Ă jamais de leur emprise. Nous sommes des Anarchistes, comme elles disent, et nous en sommes fiers.
Mais... pourquoi en vouloir aussi Ă la Karavan et aux Kamis ?
Bande de croyants innocents... Une grande partie de notre groupe est formĂ© d'anciens suivants de la Karavan et d'anciens disciples des Kamis. J'ai moi-mĂȘme longtemps bataillĂ© pour la gloire de mon ancienne dĂ©esse. Mais un jour ou l'autre le voile tombe... Les Puissances vous utilisent, tout comme le font les Nations ! Elles vous promettent monts et merveilles en Ă©change de votre soumission, et vous gobez leurs mensonges ! Les factions religieuses, fortes de leurs certitudes, font tout pour asservir la faction adverse, la broyer, la dĂ©truire. "Montre ta foi, obĂ©is-moi ou meurs..." Vos religions ne valent pas mieux que vos nations ! Osez donc prendre vous-mĂȘmes votre libertĂ©, bande de lĂąches !
Vous vous considérez donc comme des homins libres ?
Nous sommes libres ! Libérés du joug des nations et religions ! Vous cherchiez à comprendre le point commun entre les Maraudeurs des Anciennes et des Nouvelles terres ? Le voici : seuls les Maraudeurs sont véritablement libres. Nous sommes les seuls maßtres de nos vies.
Mais... pourquoi vous en prenez-vous à l'hominité ?
Vous sentez-vous donc si supĂ©rieur Ă nous, pour revendiquer le droit de nous exclure de l'hominitĂ© ? Vous venez vous-mĂȘme de rĂ©pondre Ă votre question : les homins asservis nous rejettent, nous sommes aussi isolĂ©s que l'ont Ă©tĂ© les Maraudeurs des Anciennes Terres. Vous nous jugez et nous condamnez, soit ! Alors c'est nous qui nous ferons une place, par la force. Nous allons continuer Ă nous rapprocher des autres oubliĂ©s, ceux venant des Anciennes Terres. Et tous, autant que vous ĂȘtes, allez regretter de ne pas avoir su nous faire une place... »
Le conteur laissa le silence pénétrer les ùmes des auditeurs. Sans un mot, il ramassa son baluchon et disparut dans la nuit, laissant les homins rassemblés seuls avec leurs frayeurs.